L'autre face du miroir - Plume Direct - La vitrine de vos ouvrages - Xavier Boissaye

L’autre face du miroir

Auteur : Xavier Boissaye

Publication : 26 août 2010

ISBN : 978-2-9534938-RT-7.000

Pages : 100

Prix : Gratuit
Version papier : nous contacter

Genre : Récits – Témoignages

0,00

Partage

Description

La vie d’Henri ressemble à un conte de fée. A 18 ans, brillant étudiant à l’université et parmi l’élite de son sport, il est frappé par un séisme imprévisible. Il est diagnostiqué schizophrène.

Après un parcours d’une vingtaine d’années, allant d’hospitalisation à une vie plus ou moins chaotique tant sur le plan professionnel qu’affectif, il rencontre, en 1993, Nadine et sa vie va être complètement bouleversée, comme un séisme à l’envers. Vous découvrirez la suite en lisant ce livre.

Une histoire que certains ont décrite comme « banalement terrifiante ». Une histoire émouvante, des personnages attachants et, comme le souhaite l’auteur, une histoire pour redonner goût à la vie et espoir à tous ceux qui souffrent de ces maladies et à leur entourage.

Remarque : Version papier disponible ici

 

Extrait :

Mardi, 17 heures. Tant pis pour l’entraînement, j’ai besoin de rentrer m’allonger.

Maman sort de la chambre. Elle m’a trouvé blême et voudrait que je consulte notre médecin de famille…

Mercredi, 16h00… Le médecin m’a trouvé de la tension et pense que je dois être surmené. Pourquoi m’a-t-il demandé si j’avais des problèmes de cœur ? Qu’est-ce que ça vient faire avec mon état ? C’est bien la première fois qu’un adulte se préoccupe de ma vie sentimentale… Il en a de bonnes, lui, à vouloir que je mène une vie calme ! Avec l’entraînement et les études, je ne vois pas comment faire. Et puis, ces barbituriques, ça va me mettre dans un état pas possible. Enfin, je dois le revoir dans quinze jours, on verra bien après cette période de repos. C’est l’occasion de faire le point.

Ah ! Je me sens mieux. Ces deux semaines ont été profitables. Les médicaments se sont avérés efficaces. Je retrouve ma sérénité, la gaieté, même la relation nouvelle avec Bénédicte me satisfait. Tout va bien. Je flotte dans la félicité. J’envisage de mener de front la fac et Sciences Po.

Le toubib a été surpris de ma transformation. Lui pense que j’entamais une période de surmenage. Quelle idée ! Ce n’était qu’un passage à vide. Enfin, il a l’air content. Quand même, ce terme de suractivité, ça me perturbe. Il faut que j’en parle avec les copains. Une dépression… Vraiment !

Gérard m’a prêté un bouquin. On y parle de ces états. Je l’ai lu avidement. Au fil des pages, je me suis senti concerné. Cette expérience racontée ressemble étrangement à la mienne. Je dois, moi aussi, partager ma vue de la chose et philosopher sur la vie. Je pense avoir atteint mes limites. Cette lecture m’en a persuadé, certain que le pire est derrière moi, que je me suis extirpé d’un mauvais cauchemar. Il me faut en parler avec des gens qui puissent comprendre et m’aider à analyser ce que je viens de vivre. C’est certainement une expérience hors du commun que peu de gens connaissent. Je dois en tirer les leçons, tant pour moi que pour les autres.

Ce soir, Gérard m’a emmené voir Vol au-dessus d’un nid de coucou. J’en suis sorti perplexe. Cet univers psychiatrique me hante. Je refuse de croire qu’il existe ce genre d’établissement en France. C’est certainement très romancé comme seuls les Américains savent inventer ce genre d’histoire. Cependant, quelque chose me dérange. Gérard n’a-t-il pas fait exprès de m’emmener voir ce film ? Mais pourquoi ? Je ressens un malaise, une espèce de peur. Les limites que je croyais atteintes pour moi peuvent donc être dépassées et nécessitent une mise à l’écart, un enfermement, en quelque sorte un emprisonnement… Enfin ! Demain nous partons à Etretat. Ce n’était qu’un film. Je penserai à des choses plus gaies là-bas.

Ce week-end avec des copains me réjouit. D’autant que Bénédicte sera là. Notre premier week-end depuis le mois de juillet… Je suis un peu inquiet, fébrile. Va-t-elle accepter de partager ma chambre ?

Vendredi. Bénédicte vient de se décommander. Elle a prétexté un tournoi de tennis. Quelle déception ! S’il n’y avait pas les autres, je ne partirais pas. Espérons que Gérard et Véronique sauront me distraire et m’aider à combler cette absence. Quand même ! Me prévenir à la dernière minute ! Elle s’amuse avec moi. J’ai mal. Va-t-elle me refaire le coup de la lettre ? Nous partons tous les trois dans la voiture de Gérard. Connaissant bien la route, j’ai pris le volant. Est-ce un effet des médicaments, est-ce un signe de fatigue, étais-je trop plongé dans mes pensées, toujours est-il qu’on se retrouve en plein centre du Havre au lieu d’Etretat. Je dois prendre mes médicaments, il est déjà 14h30 et j’aurais dû m’arrêter déjeuner pour les avaler en mangeant. À cette heure, il ne reste que les bistrots pour avoir un sandwich. Gérard et moi nous accrochons, il veut continuer sans faire de halte trouvant que nous avons assez perdu de temps comme ça, je maintiens que je dois à tout prix prendre mes médicaments. Finalement, nous entrons dans une brasserie. Je me sens fatigué. Il y a beaucoup de bruit et de fumée. Les flippers résonnent dans ma tête. Le choix est limité, nous nous rabattons sur l’assiette de charcuterie. Je suis contrarié. Prendre des médicaments au vu et su de tous me gêne. Un sentiment de honte m’envahit. Ils vont voir que je suis malade. Je sens déjà leurs regards posés sur moi, inquisiteurs. J’ai hâte de repartir. Dans la voiture, au moins, je me sens protégé. Gérard me trouve irritable et fatigué et propose de prendre le volant.

Le voyage m’a épuisé. Pourtant, il faut allumer la chaudière, vérifier l’électricité, ouvrir les volets, brancher le chauffe-eau, montrer leur chambre à Véronique et Gérard, aller faire les courses… Pas le temps de se reposer. Tant pis pour la fatigue.

Gérard insiste pour que nous fassions un feu dans la cheminée. J’ai beau lui expliquer qu’elle n’a pas servi depuis des années, que c’est risqué, il n’en démord pas. Où trouver du bois à cette heure de la soirée ? Peut-être à Yvetot ? Le charbonnier sera-t-il encore ouvert ? Vend-il du bois ? Cette histoire m’inquiète. Je me sens de plus en plus fatigué.

Je charge les bûches dans le coffre de la voiture. En observant le sac, une idée saugrenue vient à l’idée de Gérard. Combien de bûches le marchand met-il dans un paquet ? Cette question me fait travailler les méninges. Tout comme moi, le charbonnier ne comprend pas le sens de la question. Il doit certainement se dire que, décidément, ces gars de la ville ont de drôles d’idées. Cependant, je suis troublé par le comportement inattendu de mon copain.

Le retour à la maison est pénible, la fatigue me submerge de plus en plus et aussi bien Gérard que moi nous révélons incapables de faire démarrer le feu. Véronique nous observe, amusée, puis vient à notre aide. Il lui suffit de poser deux doigts et de modifier l’empilement des bûches pour qu’aussitôt une flambée éclaire la salle à manger.

Gérard, en riant, l’appelle doigt de fée. Malgré mes efforts, je me sens loin d’eux. Cet épisode me paraît tellement futile, dérisoire. Je me sens seul.

Avec cette histoire de feu, nous n’avons pas eu le temps de faire les courses. Le frigo et les placards sont bien évidemment vides. C’est l’occasion de s’offrir un bon restau dans une auberge, à trois quarts d’heure de route de la maison. Un grand détachement s’empare de moi. Je les suis, tel un automate.

La fumée de nos voisins de table m’incommode. Énervé, j’appelle le garçon et lui demande de bien vouloir les faire changer de table. Interloqué, le garçon règle le problème. Gérard et Véronique sont ravis de mon attitude. Je sens tous les regards braqués sur moi. Brusquement, je me retrouve dans la peau d’une vedette que tout le monde reconnaît. Avec mon 1,92 m et mes 100 kg, j’attire généralement l’attention, mais jamais encore je ne m’étais senti repéré de la sorte. J’ai l’impression d’être devenu le centre du monde, que tout gravite autour de moi.

Pour le retour, je me trompe de route à nouveau et, perdus dans la campagne, je sens l’énervement me gagner. Hâte d’être arrivé et enfin seul dans ma chambre. Mon étourderie nous oblige à parcourir quinze kilomètres de plus que nécessaire. Rentré à la maison, devant la fenêtre grande ouverte, j’aspire à fond l’air de la mer sentant monter en moi une très forte angoisse. Vais-je réussir à dormir ? Vais-je perdre pied ? Une impression bizarre m’envahit. Je me réfugie dans le réconfort des médicaments pour franchir le cap de la nuit.

« J’ai emmené un livre tout bête, Il ne faut pas rêver de Wolinski. Nous nous piquons même au jeu d’analyser ou d’imaginer, d’expliquer ce que Wolinski a dessiné. Mais bon, ce n’est qu’une BD. Quant aux dessins de Sempé, je suis incapable de les lire sans me sentir concerné. J’ai du mal à fixer mon attention. Je me sens fatigué. Tout ce que je fais, je le fais vite car j’ai horreur d’attendre. En fait, il me faudrait quelqu’un pour diriger mon raisonnement au lieu de quelqu’un comme Corentin qui me donne raison en tout. »1

À notre réveil, le temps est splendide et nous décidons de faire des films. Gérard tient la caméra tandis que j’imite un champion de marche. Je m’exerce également au métier de cinéaste. Le cadre s’y prête ; la maison, le jardin semblent propices à un tournage. Je me sens en décalage avec les autres, un manque de naturel dans mes pitreries, une sensation d’irréalité dans ce décor. Les autres rient de mes facéties. S’ils savaient…

Véronique nous concocte une omelette russe pour le déjeuner. Ma façon de manger, rapide, un rien gloutonne, les surprend. Ils m’agacent avec leurs réflexions sur ma nervosité apparente. Comme si je ne m’en rendais pas compte moi-même. Ils rajoutent à mon état, déjà que je me sens au bord du chaos. Heureusement, une longue promenade sur le bord de mer me permet de remettre un peu d’ordre dans ma tête.

Dimanche. L’envie de voir Bénédicte me tenaille. Je propose à mes hôtes d’avancer notre retour à Paris. Gérard, échaudé, nous conduit jusqu’à l’autoroute où je lui réclame le volant. Ils s’endorment et je reste seul avec mes pensées, à deux doigts de tout plaquer. Après deux heures d’un duel intérieur acharné, me sentant près de défaillir et de perdre le contrôle de moi-même et du véhicule, je m’arrête à quelques mètres du pont de Saint-Cloud et réveille Gérard pour me relayer. Reposés, inconscients de mon malaise, ils ne cessent de parler et un tourbillon se déchaîne dans ma tête. Le bruit de la capitale me paraît infernal après ce week-end en pleine nature. La transition est difficile.

Bénédicte n’est pas chez elle. Nous rentrons alors chez mes parents. Assis dans la quiétude de leur salon, ils tournent la tête à notre arrivée et, au regard inquiet qu’ils posent sur moi, je comprends qu’ils perçoivent mon mal-être. Tout en racontant le week-end, je suis obsédé par l’absence de Bénédicte. J’éclate en sanglots et pars dans ma chambre. Il règne une sorte de brouhaha dans le salon. J’entends vaguement Gérard raconter le voyage et proposer de m’emmener au cinéma pour me distraire. Ma mère de lui répondre que je dois être fatigué, mais que je suis suffisamment intelligent pour m’en sortir seul. J’entends la porte claquer. Ouf ! Ils sont partis. Ma mère me rejoint. Bénédicte a gagné son tournoi de tennis et est invitée à un dîner pour la remise des prix. Elle passera demain soir.

Les nuits sont longues lorsqu’on ne dort pas.

Edité et distribué par la maison d’édition numérique associative Plume Direct

Avis

Il n'y pas encore d'avis.

Soyez le premier à laisser votre avis sur “L’autre face du miroir”